Leçons des Lumières

"L'un des buts de la politique est de rendre le monde compréhensible". Pierre Rosanvallon

“Je ne suis qu’un nain juché sur les épaules de géants que sont les philosophes et les savants”. Pascal

Je dédie donc ce blog à tous ces géants qui, d’Anaximandre, Pythagore, Thalès, Euclide… aux plus jeunes des savants et des philosophes en passant par les Socrate, Platon, Aristote, Copernic, Giordano Bruno, Galilée, Newton, Descartes, Kant, Darwin, Marx, Nietzsche, Pasteur, Einstein, Planck…, pour ne parler que des disparus et des occidentaux, nous ont rendu ce monde un peu plus compréhensible.

Du simpl(ism)e à la complexité

Faisant davantage confiance à la science qu'à la foi, c'est donc en observant le Grand Livre de la Nature que nous allons rechercher les notions, les concepts, les pensées qui nous permettront d'élaborer une nouvelle vision du Monde. Force est de reconnaître que depuis près de quatre milliards d'années que la vie est apparue sur Terre, et malgré quelques imperfections, la Nature ne s'est pas mal débrouillée et fait l'admiration de tous ceux qui veulent bien se donner la peine de l'observer ! Nous évoquerons ainsi la théorie de l'évolution, celle des systèmes, du chaos ou encore l'approche holistique de la réalité, et enfin le déterminisme. (Complexité)

La Nature en Norvège


Parc de Yellowstone - image Allegri
Afin d'être un peu moins austère, nous partirons d'un fait divers qui illustre parfaitement chacun de ces thèmes : je veux parler de la réintroduction du loup dans le Parc de Yellowstone aux États-Unis voici quelques années : (extraits d'un article paru dans la revue Pour la science de septembre 2004).



Loups à Yellowstone image Emerald isle druid/Patrick Bell
Au début du XXe siècle, le loup considéré comme un prédateur dangereux, avait été exterminé du Parc de Yellowstone afin de protéger les populations de wapitis (grands cerfs d'Amérique du Nord). Or ceux-ci se mirent bientôt à proliférer au point de poser rapidement un problème insoluble, jusqu'à ce que l'on se décide, en 1995, à y réintroduire les loups. Cette réintroduction a eu des effets inattendus sur tout l'écosystème qui permettent, rétrospectivement, de mesurer l'impact de l'extermination de ce prédateur.

Wapiti
"Tout d'abord, la réintroduction du loup devait notamment entraîner une diminution de la population des grands cerfs d'environ 50%. En plus de ces effets attendus, cette réintroduction a eu sur la faune et sur la flore, une influence qui n'avait pas été envisagée. 

Selon le responsable du projet Loup, l'impact est tel sur les écosystèmes que le parc aura tellement évolué qu'il aura entièrement changé de physionomie d'ici trente ans.

Les trembles, une espèce de peupliers qui constituent l'habitat de prédilection de nombreux oiseaux chanteurs et qui avaient cessé de se reproduire depuis la disparition du loup se sont remis à prospérer, de même que de nombreuses autres plantes ou arbres comme par exemple les saules, dont les jeunes pousses constituent un met de choix pour les wapitis. 

Castor
Simultanément, les castors retrouvaient une nourriture abondante et se remettaient à construire des barrages, favorisant l'apparition d'étangs artificiels et de certaines plantes constituant la nourriture principale des grizzlis après l'hibernation. La réintroduction du loup a eu également des conséquences sur la topographie de la vallée. Le reboisement a stabilisé les rives de la rivière et partiellement arrêté leur érosion...



barrages de castors-harunyahya.fr
La nouvelle végétation va créer de l'ombre et refroidir la température de l'eau de la rivière. De plus, les débris de bois, plus nombreux dans la rivière, vont ralentir le courant et créer des poches d'eau favorables aux truites. La population de poissons devrait croître et les poissons devraient être de plus grande taille.

Coyottes
 Finalement, tous les secteurs de la chaîne alimentaire sont touchés par la réintroduction du loup dans le parc de Yellowstone. L'impact sur les coyotes est, par exemple, l'un des plus spectaculaires. Leur nombre a diminué de 50% et même 90% dans les zones à loups, de plus les coyotes mâles sont aujourd'hui plus petits, les plus forts ayant été les premiers à s'opposer aux loups (ce qui contredit l'une des lois de la sélection naturelle qui voudrait que ce soient les individus les plus faibles qui disparaissent d'abord).

Grizzlis-jessleephotos.com
Là encore, l'équilibre écologique a été le siège d'une réaction en chaîne. La raréfaction des coyotes a entraîné une augmentation des populations d'animaux dont ils se nourrissaient, tels les campagnols, les souris et autres rongeurs. De ce fait, le nombre de rapaces et de renards a augmenté, mais celui des oiseaux chanteurs a diminué. 

Corbeaux-Jean.sudarovich.free.fr
Enfin, les loups ont fait de Yellowstone un "marché de la viande". Après avoir chassé de gros animaux qu'ils sont les seuls à attraper, les loups s'en repaissent, puis abandonnent des carcasses encore riches en viande qui font le régal de nombreuses espèces : parmi elles les grizzlis, les pies, les corbeaux... Pour les biologistes, c'est à se demander comment tous ces animaux se nourrissaient avant l'arrivée des loups !"

Quels enseignements tirer de ces observations ? Comment le monde va-t-il créer nos pensées ?

La systémique
Daniel Durand
Tout fait système

Tout d'abord, le parc de Yellowstone, sa faune, sa flore, sont décrits en terme d'Écosystèmes et il est vrai que l'on décrit maintenant tout l'Univers en termes de systèmes.

Tout fait système, de l'atome le plus simple à l'Univers dans son ensemble, en passant par les molécules, les cellules, les organes, les individus, les sociétés, la Terre, le système solaire etc.

Atomes-daskoo.org
Le systémisme, ou "science de la complexité" étant une discipline en plein essor, il est difficile d'en donner une définition simple qui rende compte de cette complexité : toutes mettent l'accent sur le fait qu'un système est une "interrelation d'éléments constituant une entité globale". Le mot important est ici le mot "interrelation".

Système solaire-cite-sciences.fr
Pour reprendre notre exemple, l'entité globale c'est le parc de Yellowstone qualifié d'écosystème, tandis que les populations animales ou végétales en sont les éléments dont on voit bien qu'ils sont en interrelation étroite puisque la seule disparition du loup a entraîné toute une cascade de réactions en chaîne qui ont affecté jusqu'à la régulation des cours d'eau !

La modélisation des
systèmes complexes
J.-L. Le Moigne
Une association, une entreprise, une équipe de foot-ball sont des systèmes et l'on sait comment la présence, ou l'absence d'un de ses membres ou encore un événement fortuit peut modifier, dans un sens ou dans l'autre, la personnalité d'une de ces entités. On dit que le Tout est plus grand que la somme des parties.

Développé depuis une trentaine d'années, le concept de Système a investi progressivement tous les domaines de la connaissance, de la physique à la sociologie en passant par l'économie, la biologie, l'astronomie, ce qui fait dire à l'un de ses défenseurs (Ervin Lazslo) que nous sommes en présence d'une "nouvelle vision de l'Univers".

Il est à noter que tout système est animé d'une certaine logique et qu'en l'absence de régulation, de contrôle, cette logique peut pousser le système jusqu'à l'absurde, voire jusqu'à l'abject. (Les exemples historiques ou contemporains sont nombreux, et cela dans tous les domaines, du sport à l'économie, en passant par la politique (les totalitarismes, la course aux armements) ; l'évolution (la course au gigantisme des dinosaures), la mode, les émissions de télé-réalité, etc.).

"Rien dans l'Univers ne prend sens, si ce n'est à la lumière de l'évolution"

Autre constatation : tous les systèmes évoluent. En quelques années, tout l'écosystème "Parc de Yellowstone" a évolué de façon radicale. Et c'est là également l'une des grandes leçons tirée de l'observation de la Nature et qui s'oppose aux Écritures.

Une infime partie du cosmos
Tout dans l'Univers évolue, des planètes aux super-amas de galaxies en passant par les systèmes solaires, les galaxies et les amas de galaxies. Certes, le concept n'est pas nouveau. Les Présocratiques déjà (Tout s'écoule, disait Héraclite) de même que le Bouddhisme avec la notion d'"impermanence de toutes choses" avaient constaté ou pressenti cette réalité mais ce n'est que récemment qu'en Occident, rompant avec les dogmes religieux, on a admis l'évolution des espèces, partant celle de l'homme, des sociétés humaines et, plus récemment encore, celle du Cosmos grâce notamment aux recherches de l'Abbé Lemaître (précurseur du concept de Big bang) et de l'astronome Edwin Hubble.

"La notion d'évolution sous-tend dans une large mesure les théories politiques, économiques et sociales modernes ; elle imprègne la géologie (la théorie de la tectonique des plaques n’a été admise que très récemment en France), et la biologie et est récemment devenue le fondement même de notre cosmologie. En fait, elle conditionne notre manière de penser dans presque tous les secteurs."

Le monde crée nos pensées, nos pensées créent le monde.

Et "Parce qu'elle assure la convergence des recherches dans tous les domaines, l'évolution est le cœur du savoir". (Ervin Laszlo; la Cohérence du réel).

J. Ruffié-Traité du vivant
« Cependant, beaucoup de nos contemporains gardent, souvent de façon inconsciente, une vision fixiste du monde. Ils agissent comme si les choses avaient toujours été ce qu'elles sont et ne devaient pas bouger, du moins à l'échelle humaine. C'est que nombre de nos habitudes de pensée ont vu le jour dans le cadre d'un univers perçu comme éternel et semblable à une machine. » (J. Ruffié ; Traité du vivant).

Partout on recherche l'ordre, l'équilibre, la stabilité (voir l'exemple caricatural du "Pacte de stabilité" européen). À l'ordre, il faut préférer l'organisation qui prend en compte l'évolution ; à l'équilibre statique, l'équilibre dynamique et à la stabilité, le mouvement.

Mais pour reprendre l'image du fleuve chère à Héraclite, nous ne sommes pas de simples spectateurs regardant s'écouler le fleuve de l'évolution, nous ne sommes pas davantage immergés dans ses eaux tantôt calmes, tantôt tumultueuses, nous devons maintenant nous considérer comme l'un de ces nombreux tourbillons qui naissent ici ou là, suivent un bref instant (à l'échelle cosmique) le courant avant de s'évanouir, comme par enchantement, donnant naissance à d'autres tourbillons qui subiront le même sort.

À la vision mécaniste d'un Univers soumis à un ordre divin transcendant, répétant éternellement les mêmes mouvements, donc prévisible, a succédé une vision "organiciste", celle d'un Cosmos qui s'auto-organise, c'est-à-dire dans lequel chaque système, tout en cherchant à se développer selon l'impulsion (initiale) qui lui a donné naissance et selon sa propre logique interne, doit, sous peine d'être éliminé, entrer en cohérence avec les systèmes, sous-systèmes, super-systèmes et en définitive le méta-système, avec lesquels il interagit en permanence, élaborant ainsi en son sein de nouveaux schémas d'organisation pour concourir à l'Harmonie universelle.

Je ne prendrai qu'un exemple qui nous concerne tous puisqu'il s'agit du rapport individu/société : La notion d'individu n'a fait son apparition qu'à la fin du Moyen-âge, ou début de la Renaissance. En effet, auparavant, chacun ne se définissait qu'en fonction du groupe auquel il appartenait. Ce pouvait être une cité, un groupe ethnique ou encore un domaine seigneurial. Puis peu à peu, le système-individu s'est affirmé face aux autres individus pris individuellement ou collectivement définissant dans ce cas le système-collectivité ou État. Qui peut nier que ces deux systèmes sont allés au bout de leur logique, jusqu'à l'absurde, parfois jusqu'à l'abject. On sait les ravages du collectivisme forcé dans les pays qui comme l'URSS ou la Chine ont opté pour cette solution, tandis que dans les sociétés occidentales et plus particulièrement aux États-Unis un individualisme forcené, sans concession, un égoïsme national tous deux directement inspirés du darwinisme social sont particulièrement dommageables non seulement aux laissés pour compte issus de ces sociétés mais plus encore à l'ensemble du système-monde dont on mesure chaque jour un peu plus toute la fragilité.

Il faut toutefois savoir que si le dogme darwinien de la sélection naturelle par la survie du plus apte reste un article de foi de la communauté scientifique, il est de plus en plus sérieusement remis en question par des scientifiques de renom à la lumière des progrès de la génétique et plus largement de la biologie, mais également de la paléontologie et de l'éthologie (science des comportements animaux).

Tous les systèmes évoluant en interagissant les uns avec les autres, c'en est fini du réductionnisme qui se proposait d'étudier des entités prises isolément, indépendamment de leur environnement. Ce qui prévaut désormais, c'est l'approche dite holistique ou encore organiciste qui se propose d'étudier non plus des entités isolées mais des systèmes complets en interaction avec tous les systèmes, sous-systèmes ou super-systèmes avec lesquels ils sont en relation.

Dans l'exemple de l'écosystème du Parc de Yellowstone, on voit bien que tout est interconnecté : populations animales, espèces végétales, topographie, et si l'on intervient sur l'un de ces sous-systèmes, on perturbe plus ou moins gravement l'équilibre fragile de l'écosystème tout entier.

L'approche holistique ne concerne pas seulement l'écologie, elle s'applique à l'étude de tout système (les médecines traditionnelles sont d'ailleurs depuis longtemps familiarisées avec ce concept), de la sociologie à la physique en passant par l'économie, la biologie etc.

Les systèmes évoluent donc et restent en connexion les uns avec les autres (c'est même cette interconnexion qui est le fait essentiel). Se pose alors la question, fondamentale à mes yeux, du déterminisme.

Le déterminisme est la relation entre la cause (l'action) et l'effet (le résultat). Comme dans l'exemple du Parc de Yellowstone, l'action sur l'un des sous-systèmes (la population de loups)  va provoquer des réactions en chaîne parfaitement imprévisibles, des dégâts collatéraux pour parler un langage moderne, qui vont affecter les autres sous-systèmes jusqu'à l'écosystème global, lui-même sous-système d'un système plus vaste.

Nous n'évoquerons pas ici le problème de l'indéterminisme résultant des lois de la mécanique quantique, ni du déterminisme philosophique, éternel débat sur la liberté d'action de l'Homme.

Nous ne parlerons que de l'indéterminisme résultant de la théorie du chaos et du pseudo déterminisme génétique, arme fatale des partisans de l'eugénisme aux États-Unis et ailleurs et dont on s'aperçoit aujourd'hui des limites, pour ne pas parler de son caractère fallacieux. Ne prétendait-on pas, il y a quelques années, avoir découvert le gène de l'homosexualité, celui de l'agressivité, de la criminalité…?

Toutes ces "découvertes" se sont dégonflées comme ballons de baudruche, pour une raison toute simple, c'est qu'un même gène intervient dans la définition de nombreux caractères et, corollaire de cette particularité, un caractère est le résultat de l'action conjuguée de plusieurs gènes. L'une des conséquences dramatique de cet indéterminisme génétique est l'échec des thérapies géniques sur lesquelles nous avions fondé tant d'espoir. Le Professeur J.M. Pelt le confirmait récemment sur les ondes de France-Inter : "sur 400 thérapies géniques entreprises, une seule a réussi !" Le cas du SIDA en est une autre illustration tout aussi dramatique. Si vous tapez "résultats des thérapies géniques" sur votre moteur de recherche favori, vous n'obtenez que des résultats du genre "résultats prometteurs" ou "encourageants" d'essais faits sur des rats ou des souris, mais rien de bien tangible.

Lire en particulier l'article paru sur slate.fr "L'intelligence expliquée à 50% par la génétique".

En fait, ces chiffres n’ont pas grande signification et dépendent de chaque individu, de la société, de la famille etc.). Ce déséquilibre pourrait encore s'accentuer depuis que l'on sait que l'environnement physique, l'alimentation ont une influence sur le développement de l'embryon et peuvent affecter le génome du nourrisson. (futura-sciences.com : déterminisme génétique).

 Je vous invite également à lire ou écouter une conférence de Pierre Ancet intitulée "Le déterminisme génétique et la liberté de choix"


Papillon Monarque
La théorie dite du "chaos" remet également en cause le déterminisme universel. Né de l'impossibilité établie par Henri Poincaré, de résoudre l'équation du problème à trois corps interagissant les uns sur les autres (comme par exemple le Soleil, la Terre et la Lune en interaction gravitationnelle), cette théorie a été ensuite confirmée par le météorologue Edward Lorenz à qui l'on doit l'image du Papillon et qui dit à peu près ceci : "les battements d'aile d'un papillon au-dessus de la forêt amazonienne peuvent provoquer une tornade en Floride". Ce qui signifie qu'une cause anodine peut, par des réactions en chaîne imprévisibles, avoir des conséquences proprement incalculables. (Comme dans le parc de Yellowstone).
Cette photo provient du site FAAXAAL qui offre des contenus libres pour vos sites. FAAXAAL est une émanation de KRISS NATURE.
 
Tornade

Remplaçons les 3 corps (ou plus) par les systèmes comme précédemment définis et cette théorie s'applique à de nombreux domaines (économie, bourse, politique, écologie, médecine…), en fait, à peu près tous les domaines de l'activité humaine.

Là encore, l'observation du Grand Livre de la Nature crée nos pensées. Que ces pensées nous aident à recréer le monde qui nous entoure.